wanna go for a ride ? - cyrus camden

Je répondrais que j’en avais assez de l’argent de mes parents, que j’étais fatigué de mes matchs de polo tous les week-ends, que je ne supportais plus la pression de mon entière famille. Je dirais que je suis parti de chez moi pour faire un tour du monde, voir ce que le monde nous réserve tant que j’en ai encore le temps, que je me suis arrêté ici parce que je m’étais perdu et que finalement, je m’y plais plutôt bien dans cet Eldorado. Et si jamais ce n’est pas suffisant, alors je pourrais toujours dire que j’ai eu envie de vivre autre chose encore que la simple découverte. Que la vie en ville ne me correspondait pas le moins du monde, que la pollution commençait à sérieusement m’attaquer le teint et que ce n’était en plus pas bon pour la santé. Je dirai aussi que la télé, bien qu’elle soit censée faire que le monde soit au courant de tout, nous met au courant de bien trop de choses, qu’elle me tape sur les nerfs et que les speakerines ne sont même pas vraiment jolies en réalité.

Mon histoire ? Qui s’intéresserait à mon histoire ? Bon, admettons. Dans ce cas, je suis né à Liverpool en Angleterre. Mes parents sont tous les deux descendants de familles avec une fortune assez conséquente et pour couronner le tout, mon père fait partie des premiers à avoir mis une télévision sur le marché. Je suis allé dans l’un des plus célèbre lycée britannique avant de partir pour les Etats-Unis sur un bateau, après avoir été accepté à Columbia pour des études de médecine qui était, d’après mon paternel, l’une des seules profession à ne pas être remplacé par la machine dans les vingt prochaines années. Etant lui-même dans l’électronique, je l’ai cru. Alors je suis parti, seul, retrouvant à New-York une tante quelconque pour m’héberger le temps qu’on me trouve un appartement. Je sors de Columbia après six ans d’études. Je n’ai pas vraiment fait d’étincelle, je n’ai même pas eu mon diplôme au final. Sachant l’accueil que je recevrais en rentrant chez moi, j’ai préféré partir avec mon vélo sous le bras et un sac d’affaires. J’avais un peu d’argent de côté, ce qui me permit de manger pendant le voyage. Je savais pertinemment où j’allais, ayant entendu parler de cet Eldorado par un sans-abri dans les rues voisinant mon université. J’arrivai là-bas en vélo, quatre mois après être parti de la côte Est.

Bon okay, ce que j’ai dit avant n’est peut-être pas l’entière vérité. J’ai été obligé de partir d’Angleterre pour des raisons un peu délicates. Des employés de la société de mon père sont décédés rapidement après la commercialisation de son poste de télévision et ce dernier voulait m’éloigner du scandale en me faisant changer de nom. De Philips, je devenais donc Camdenbridge, du nom de ma fameuse tante veuve. J’ai donc fait médecine à Columbia, mais j’ai bien eu mon diplôme, avec les honneurs puisque je suis sortis majeur de ma promotion. Je n’ai jamais eu d’appartement à moi seul, j’ai dû rester chez ma tante qui a fini par me virer de chez elle suite à son remariage avec un quidam rencontré dans je-ne-sais-quel réception. Je partis donc avec mon sac sur le dos, livré pour la première fois de ma vie à moi-même. Alors que je traversais le pays, j’eu une envie soudaine d’immortaliser ces moments et le reste de mon argent passa dans un magnifique appareil argentique. En passant par l’Idaho, je failli me le faire voler par une bande de mecs. Ils prirent tout le reste, me tapèrent dessus mais il n’eut rien. J’ai réussi à garder tous mes clichés aussi et même quelques pellicules. C’est dans un état déplorable que j’arrivai à l’Eldorado, sans même savoir où je mettais les pieds.

Je… je ne sais pas. A l’heure d’aujourd’hui, je suis encore muet quant à mon passé et la vie que la communauté mène ici est en tous points différente à celle que je vivais avant. Mais je n’ai rien contre la nature, contre leur mode politique, contre leurs croyances toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Je ne dis rien. J’observe, j’apprends et j’essaie, du moins je m’efforce, de ne pas paraître associable ou trop bourgeois pour être parmi eux. Car à présent, je n’ai plus de famille à proprement parlé. Ils sont tout ce qu’il me reste avec mon appareil et mes pellicules. Plus je regarde autour de moi, plus j’ai l’impression que je suis ici pour un bon bout de temps, que je risque bien de me faire à cette idée que dormir dehors n’est pas réservé aux sans-abris et que ça pourrait même me plaire au final. Je me demande quand même si on finira par m’accepter au fil du temps…